Zazen est différent de la méditation.
Ce titre est celui d'un article par Isshô Fujita, enseignant zen japonais de la lignée de Kôdô Sawaki et de Kôshô Uchiyama. L'intégralité du texte est disponible sur le très bon site Un zen occidental d’Éric Rommeluère.
Voici la présentation de l'auteur du texte, telle que vous la trouverez sur le site :
"Pendant une vingtaine d’années, il a animé le Valley Zendo, un petit centre zen dans le Massachussetts, aux États-Unis. En 2005, Isshô est revenu vivre au Japon. Il vit actuellement à Hayama dans la préfecture de Kanagawa où il anime l’association "Polir la tuile".
Ces réflexions sont extraites du cours polycopié de l’atelier "L’expérience du corps vécu dans la méditation bouddhiste" donné par Isshô Fujita au Bare Center for Buddhist Studies (Massachusetts) en mars 2002. Traduit de l'anglais et reproduit avec l'aimable autorisation d'Isshô Fujita."
Dès le début, Isshô Fujita nous dit qu'il semble qu'il y ait une erreur courante sur le zazen que certaines personnes considèrent comme une technique de méditation pour atteindre un état de "non pensée", ce qui sous-entend qu'il y aurait un état particulier à atteindre par la méditation.
Le zen est souvent traduit, en Occident, par "la méditation zen" ou "la méditation assise" et serait considéré comme une des nombreuses techniques de méditation pour atteindre des objectifs tels que la santé, un "mieux être" ou "être zen".
Mais zazen n'est pas une technique de méditation. On ne prend pas de cours de méditation zazen.
Zazen tel qu'il était compris par le maître zen Dôgen (1200 - 1253), fondateur de la tradition du zen soto et maître de méditation lui même.
Pour Dôgen, zazen est d'abord et avant tout une posture du corps total et pas un état d'esprit.
Dogen utilise plusieurs expressions pour définir le zazen, l'une d'elles est gotsuza, ce qui peut se traduire par "s'asseoir immobile comme une puissante montagne". Dogen considérait la posture du Lotus ou kekkafuza comme la clé du zen mais sa compréhension est très différente de celle du yoga.
Dans beaucoup de traditions méditatives, le pratiquant commence par une technique de méditation comme une visualisation ou compter ses respirations après s'être assis en lotus.
Isshô Fujita précise :
"En d’autres termes, la méditation s’ajoute au kekkafuza. Dans cette utilisation, le kekkafuza devient un moyen pour préparer de la manière la plus optimale le corps et l’esprit pour des exercices mentaux que l’on appelle "méditation", mais n’est pas un objectif par lui-même. La pratique est construite sur une dualité, avec un corps assis comme contenant et un esprit méditant comme contenu. L’accent est toujours mis sur la méditation comme un exercice mental. Dans une telle disposition duelle, le corps est assis tandis que l’esprit fait quelque chose d’autre."
Mais pour Dôgen, comme pour Kôdô Sawaki Roshi, grand maître japonais du début du vingtième siècle, le but du zazen est juste de s'asseoir correctement en kekkafuza. Il n'y a rien d'autre à faire ou à chercher. Le zazen est sans but, sans recherche de profit. Mushotoku.
La plupart des pratiques de méditation qui mettent l'accent sur une dimension psychique (les pensées, les perceptions, les sentiments, les visualisations, les intentions, etc.) conduisent toutes notre attention sur les fonctions cortico-cérébrales. La plupart des techniques ou des pratiques de méditation telles qu'on l'entend à l'heure actuelle sont des techniques de méditation orientées vers la tête, c'est à dire une action intellectuelle. zazen se concentre plus sur la structure d'un corps-esprit total et vivant, laissant la tête exister sans lui donner une quelconque prééminence. Lorsque la tête est dans la suractivité, une vie divisée et déséquilibrée apparaît. Mais dans la posture de zazen, elle apprend à trouver sa juste place et sa fonction dans la dimension d’un corps-esprit unifié. Notre corps humain vivant n’est pas simplement une agrégation de parties corporelles, c’est un tout organiquement intégré. Il est conçu de telle sorte que lorsqu’une partie du corps bouge, quelle que soit la finesse du mouvement, celui-ci provoque simultanément le mouvement du corps entier en accord avec lui.
Comme le dit Shohaku Okumura : "zazen is good for nothing". Cela peut se traduire par zazen est bon à rien ou bon pour rien. C'est tout simplement revenir au "sans but, sans profit."
Bien entendu, nous sommes tous en train de "chercher la voie" ou des solutions à nos problèmes. La radicalité du zazen est de dire qu'il n'y a rien ni personne sur le zafu. Il y a un corps-esprit assis et pas notre ego. Nous ne sommes pas nos pensées.
zazen n'est pas une technique de méditation pour "aller mieux". Zazen dit, dès le départ, que tout est là et qu'il n'y a pas à chercher ailleurs.
On ne fait pas zazen même s'il faut le faire. Mais zazen nous défait, nous déconstruit jusqu'à notre ultime réalité, notre nature de Bouddha.
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