“ Le zen est une transmission spéciale en dehors des textes,
indépendant du mot et de la lettre, montrant directement le coeur de l'être :
saisir sa propre nature et devenir Bouddha. ”
Bodhidharma
Kodo Sawaki fut l’un des maîtres zen Soto les plus
influents du XXe siècle. Charismatique, peu conventionnel, parfois
irrévérencieux, il revitalisa le zen japonais enlisé dans le bourbier des
rituels religieux et du népotisme. Il mit l’accent sur shikantaza
(seulement s’asseoir), apporta sans relâche la pratique tant aux laïcs qu’aux
disciples ordonnés, et enseigna que zazen
et satori sont un – tout en insistant
sur le fait que zazen « n’est bon pour rien ».
Tada Saikichi naquit le 16 juin 1880 au Japon dans la
ville de Tsu, préfecture de Mie. À l’âge de cinq ans, sa mère mourut et à huit
ans, son frère. Lorsque son oncle adoptif mourut aussi, Saikichi fut recueilli
par un joueur brutal et sa femme prostituée, qui lui assignèrent le travail de
surveiller les tripots et nettoyer les bordels. L’horreur de cette sordide
existence amena le jeune garçon à se poser des questions sur la vie ; il
commença à fréquenter en secret un temple proche, dont l’abbé lui conseilla de
suivre le chemin du zen.
Quand il eut dix-sept ans, il s’enfuit au temple
d’Eiheiji où on le fit attendre dehors plusieurs jours, à l’issue desquels il
décréta vouloir devenir moine ou mettre fin à ses jours. Une fois dedans, comme
il le reconnut plus tard, il « ne trouva ni le ciel ni l’illumination », rien
que des êtres humains ordinaires.
« Et comme vous le savez, les êtres humains
sont très compliqués. » L’esprit de compétition et le formalisme qu’il y
rencontra l’auraient dissuadé de s’établir dans un temple pour l’essentiel de
sa vie.
Il rencontra finalement le maître Koho Sawada, qui lui
donna l’ordination de moine et le nom de Kodo. Plus tard il étudia avec un
autre maître, Ryuun Fueoka, qui lui enseigna l’importance de shikantaza
et le respect du kesa (le vêtement monastique). Son éducation zen fut
interrompue par sa conscription à l’âge de vingt-cinq ans ; il combattit durant
la guerre russo-japonaise, fut blessé d’une balle dans la bouche et revint au
Japon en convalescence, pour être renvoyé sur le front chinois un an plus tard.
Après la guerre, il étudia la philosophie, passa quelque temps à faire zazen
dans la solitude,
eut des responsabilités passagères dans plusieurs temples et
étudia pendant six ans
avec Maître Ota Sokan à Daijiji.
Puis, à l’âge de quarante-trois ans, il commença à
voyager dans tout le Japon, donnant des conférences et montrant la posture dans
les écoles et les prisons, organisant sesshin et camps d’été dans des endroits
divers et fondant de nombreux dojos. Son « monastère en mouvement », son refus
de la vie monastique au sens classique du terme et sa tendance à voyager seul
lui valurent le surnom de « Kodo sans demeure » et le firent bien connaître, à
la fois parmi les laïcs et les moines et nonnes, à qui il enseigna le Dharma sans
distinction. Il fut également connu pour la couture et l’enseignement du kesa
authentique, se basant sur la méthode du maître Jiun Sonja qui vivait un siècle
avant lui.
Après de nombreuses années de ce style de vie
itinérant, il tomba gravement malade et se retira à Antaiji, où il passait de
longs moments à lever les yeux par la fenêtre vers le mont Takagamine.
« Regarde ! » dit-il à une nonne, « La nature est merveilleuse. Durant ma vie
entière, je n’ai jamais rencontré une personne à laquelle j’aurais pu me
soumettre et que j’aurais pu admirer. Mais ce mont Takagamine me regarde
toujours d’en haut et me dit “Kodo, Kodo”… »
Il mourut trois jours plus tard,
le 21 décembre 1965.
Ses proches disciples – parmi lesquels Shuryu Narita,
Tokugen Sakai, Kosho Uchiyama,
Sodo Yokoyama et Taisen Deshimaru – continuèrent
à répandre fidèlement son enseignement
au Japon, en Amérique du Nord et en
Europe.
Taisen Deshimaru
Mokudo Taisen Deshimaru a été dénommé « le Bodhidharma
des temps modernes » à cause de sa forte personnalité, de sa pratique du zen
sans compromis et du caractère pionnier de sa mission visant à implanter le zen
authentique sur de nouvelles terres (dans ce cas-ci l’Europe). A l’instar de
son maître Kodo Sawaki avant lui, il a insisté sur l’importance de la posture
assise, zazen. Son enseignement, direct, concret et enraciné dans la vie
quotidienne, a encouragé les disciples à être au-delà de la pensée (hishiryo),
sans aucun intérêt de profit personnel (mushotoku), et libres de suivre
l’ordre cosmique « inconsciemment, naturellement et automatiquement ».
Yasuo Deshimaru, tel est son nom, est né le 20
novembre 1914 dans un petit village près de Saga. Sa mère était une fervente
Bouddhiste, son père un homme d’affaires. La polarité de leurs visions du monde
a fortement marqué l’enfant, qui a considéré très jeune que sa destinée était
de résoudre la contradiction entre le matériel et le spirituel.
Il a rencontré Kodo Sawaki à l’âge de 18 ans et a
commencé à s’asseoir en zazen avec lui deux années plus tard. Il a rencontré le
maître régulièrement tout en continuant sa vie d’homme d’affaires et plus tard
d’époux et de père de trois enfants. Avec le temps, il est devenu son disciple
et une relation intime s’est développée naturellement entre eux sur une période
de trente ans.
Deshimaru a demandé à plusieurs reprises à Sawaki
l’ordination de moine, qui lui était systématiquement refusée. Il
l’encourageait à simplement continuer zazen et à mener une vie active de laïc.
La réticence de Sawaki à s’installer dans un temple a également fortement
impressionné Deshimaru, qui n’a jamais mené de vie monastique. Un mois avant
son décès, Sawaki a appelé Deshimaru à son chevet et a dit, « Tu dois continuer
après moi et transmettre l’enseignement de Bodhidharma. Demain, je me lèverai
pour t’ordonner moine. » Un an après la mort de Sawaki, Deshimaru a confié sa
famille à son fils et a pris le transsibérien en direction de la France.
Il est arrivé à Paris 1967 seul et sans argent, sans
connaître le français et avec rien d’autre que son zafu, son kesa et le kesa de
son maître et ses carnets de notes. Il avait réussi à obtenir une invitation
d’un groupe macrobiotique et vivait dans l’arrière pièce d’un magasin d’alimentation
diététique, pratiquant zazen chaque jour et gagnant sa vie en faisant des
massages. Petit à petit, les gens ont commencé à s’asseoir avec lui et sa
réputation a commencé à se faire.
En 1970, il créa l’Association Zen Européenne, qui est
devenue plus tard l’Association Zen Internationale (AZI). Il publia son premier
livre, Vrai Zen, et commença à donner des conférences en France et dans
d’autres pays européens. Comme le bruit se répandait qu’un vrai maître zen
vivait rue Pernety, de plus en plus de personnes sont venues pratiquer avec
lui. Il a ouvert son premier dojo dans le 14ème arrondissement de Paris en 1972
et a commencé à donner des ordinations et à diriger des sesshins.
Il a poursuivi sa mission avec une énergie colossale,
inébranlable, cherchant constamment à réconcilier tradition et modernité,
science et spiritualité, Est et Ouest, en revenant toujours à l’essence de
l’enseignement reçu de son maître. Il possédait un charisme exceptionnel, une
grande simplicité mêlée d’un sens de l’humour, qui a attiré non seulement les
disciples, mais également certains des scientifiques, des artistes, des
philosophes et des politiciens les plus reconnus de leur temps.
La sangha proche de Deshimaru était composée
principalement de jeunes gens libres-penseurs pas toujours faciles à
discipliner, mais qui étaient remplis d’un très grand enthousiasme et animés
par l’esprit du débutant. Ensemble, ils ont publié des livres, tenu un
restaurant et une boutique, organisé des sesshins et des camps d’été, et ouvert
plus d’une centaine de dojos en Europe et en Amérique du Nord. En 1980, il
fonda le temple de la Gendronnière dans la vallée de la Loire en France, qui
est devenu le centre de sa mission et le lieu de rencontre de ses disciples,
qui sont devenus au fil du temps de vrais moines et nonnes et parmi lesquels
beaucoup sont devenus des enseignants à part entière.
Deshimaru a eu des relations tendues avec les
autorités officielles japonaises Soto (Sotoshu), dont il critiquait le
formalisme, et avec les principales écoles zen aux Etats-Unis, pour leur
mélange de zen Soto et de zen Rinzai. En dépit du fait que sa contribution à la
dissémination du Zen soit reconnue aujourd’hui au Japon, il reste peu populaire
aux Etats-Unis, ou au mieux inconnu. Il a dit un jour : « On peut me reprocher
beaucoup de choses, mais sur zazen on ne pourra jamais rien dire. Chaque matin,
chaque soir, je suis avec vous dans le dojo. »
On lui a diagnostiqué un cancer en début de l’année
1982 et malgré cela, il a continué à pratiquer avec ses disciples tout au long
du printemps. Ses derniers mots avant de retourner au Japon pour y être soigné
ont été : « S’il vous plaît, continuez zazen ». Il y est décédé le 30 avril
1982.
Question : À votre
avis, qui êtes-vous ? Un maître ? Un chef religieux ? Un philosophe ?
Taisen Deshimaru : Ha ! Bonne
question. Je me le demande parfois moi-même. Mais ce que vous êtes en train de
faire est de limiter par des catégories. Vous ne pouvez pas faire cela.Je suis parfois un philosophe, parfois un religieux, parfois un moine, parfois
un éducateur, parfois un buveur de whisky. Un vrai historien peut comprendre :
ce sont les disciples qui décident. Si vous avez de grands disciples, alors
vous aurez de grands maîtres. Je suis quelqu’un de religieux. Je me concentre
complètement sur shikantaza. C’est mon seul objectif jusqu’à ma mort.
Lorsque je meurs, alors ici et maintenant, seulement ceci : vrai moine Zen.
Compris ?
Roland Yuno Rech
Né en 1944, Roland RECH est diplômé de
l'Institut des Sciences Politiques de Paris et du DESS de Sciences Humaines
Cliniques de l'Université de Paris VII. Il découvre la pratique du zen lors
d'un voyage au Japon, puis devient le disciple de Maître Deshimaru à Paris
pendant 10 ans, jusqu'au décès de celui-ci en 1982.
Suivant les recommandations de son Maître, il avait
repris une activité de cadre dans l'industrie qui fut pour lui l'occasion d'expérimenter
la pratique du zen dans la vie quotidienne, économique et sociale. A partir de
1982, il se consacre principalement à la pratique et l'enseignement du zen au
sein de l'Association Zen Internationale dont il fut le président jusqu'en
1994.
En 1984, Maître Niwa Rempo Zenji, supérieur
du temple de Eihei-ji et représentant la plus haute autorité du zen au Japon,
authentifia la mission de Maître Deshimaru en remettant la transmission du
Dharma (Shiho) à trois de ses plus anciens disciples, dont Roland Yuno Rech.
Il
est à présent Vice Président de l'Association Zen Internationale. Il enseigne
au Dojo de Nice ainsi qu'au temple de la Gendronnière et dans les sesshin
organisées par les dojo de l'AZI.
Il pratique zazen pour la première fois avec Maître Deshimaru en 1973
au camp d’été de Lodève, et 3 ans plus tard, en mars 1976, il accepte
de devenir son disciple en recevant l’ordination de moine.
Dès lors, il participe activement à la vie de la Sangha, dans
l’organisation des camps d’été, en assurant la responsabilité de la
cuisine (Tenzo) en 1977 et 1978 dans les sessions d’été à Val d’Isère,
puis en aidant à la mise en place du temple Zen de la Gendronnière de
1979 à 1982.
Après la mort de Maître Deshimaru, il reste actif dans la sangha en
s’occupant de l’installation du Dojo Zen de Paris, rue des Cinq Diamants
en 1984, puis rue Keller en 1990.
De 1986 à 1991 il est de nouveau Tenzo aux sessions du temple Zen de
la Gendronnière dont il assume ensuite la responsabilité entre 1991 à
1997. Seront réalisés dans ce temps les grands travaux de voirie et la
mise aux normes européennes de sécurité de tous les bâtiments. Il a été
ensuite Secrétaire général puis trésorier de l’Association Zen
Internationale entre 1999 et 2010.
En septembre 2008 il a reçu la « transmission du Dharma » de Sojun Matsuno Roshi.
En novembre 2012 a été acheté avec des membres de la sangha Tenbôrin
un centre de vacances, dans le Cantal à 25 km au sud de Saint Flour,
appelé aujourd’hui ‘’Centre zen de Lanau’’.
Guy Mokuho dirige des sesshin en France, en Angleterre et en Espagne.
Pascal-Olivier Kyôsei Reynaud
Pascal-Olivier Kyōsei Reynaud est moine et maître zen, disciple de Maître
Roland Yuno Rech, il commence la pratique de la méditation bouddhiste zen au
dojo de Nice en 1984.
Au Temple zen de La Gendronnière, il reçoit l’ordination de Bodhisattva en 1987 de Maître Etienne Mokusho Zeisler (1946-1990), puis celle de moine avec Maître Stéphane Kosen Thibaut en 1988, en 2004 il renouvelle ses vœux de moine avec Maître Roland Yuno Rech.
De 1989 à 1993 et de 1996 à 2007, il enseigne et est le Président du dojo zen de Nice et de 1993 à 1996 celui du groupe zen de Pélasque dans l’arrière-pays Niçois.
Il participe activement au développement du dojo zen de Nice qui devient le Temple zen GyōbutsuJi avec l’arrivée de Maître Roland Yuno Rech à Nice.
En 2007 il aide à la création et est le Président du dojo zen de Montpellier où il enseigne jusqu’en 2009.
De 2009 à 2014 il est un des Shusso responsable de l’enseignement bouddhiste zen au Temple zen de Nice, GyobutsuJi.
Pascal-Olivier Kyōsei Reynaud fait la cérémonie d’Hossen en février 2013 à GyobutsuJi à Nice en présence de Maître Seidō Suzuki, Maître Yuno Rech et de nombreux Maîtres de l’AZI (Association Zen Internationale) venus pour cette occasion.
Il reçoit en août 2013 au Temple zen de La Gendronnière, la transmission du Dharma (Shiho) de Maître Roland Yuno Rech.
Depuis 2014, Pascal-Olivier Kyōsei Reynaud réside à Narbonne, Il est responsable de l’enseignement zen au dojo zen de Narbonne.
Il dirige régulièrement en Europe des journées de zazen et des
sesshin ainsi que des conférences/présentations sur la pratique de la méditation assise, le zazen et l’enseignement Bouddhiste zen soto.